Mariage à Sion-les-Mines - collection Michel Guillerme |
Mariage à Soudan - collection Michel Guillerme |
Mariage à Fercé - collection Michel Guillerme | Famille de Jans - collection Michel Guillerme |
Coiffe et costume de Châteaubriant | |
Grande bavette de tablier nantais - collection Michel Guillerme | Costume avec châle brodée à la soie - collection Michel Guillerme |
Châle en velours de soie envers satin - collection Michel Guillerme | Châle en velours de soie envers satin - collection Michel Guillerme |
Châle en velours frappé provenant d'une maison La Chapelle-Glain - collection Michel Guillerme | Costume avec châle brodée à la soie - collection Michel Guillerme |
Femmes d'Issé en bonnets de travail - collection Michel Guillerme | Bonnet de travail - collection Michel Guillerme |
Dormeuse de Fercé | Dormeuse de Châteaubriant, on remarque en plus du paillage, les sillons caractéristiques et le port décollé sur le dessus. |
Dormeuse de Sion-les-Mines avec son ruban et noeud de soie - collection Michel Guillerme | Dormeuse de Sion-les-Mines avec son ruban et noeud de soie - collection Michel Guillerme |
Dormeuse de Issé, la plus grande de toutes les modes du nord de la Loire - collection Michel Guillerme | Dormeuse de Saint-Vincent des Landes - collection Michel Guillerme |
Gaufre - collection Danick Breny | Gaufre - croquis de P. Masson |
Châteaubriant - Soudan - Villepot - Louisfert - croquis de P. Masson | Chignon carré de Châteaubriant - croquis de P. Masson |
A l’exception de ce que l’on peut trouver en pays guérandais (et en partie seulement), l’ensemble des modes vestimentaires en usage dans le Comté nantais présente une très grande homogénéité (à ce propos, alors que l’on entend évoquer hélas de plus en plus l’appellation administrative : Loire-Atlantique pour parler de cet élément de culture traditionnelle, il faut bien préciser une nouvelle fois que les limites départementales et celles de ce grand terroir ne sont en aucun cas superposables, les premières étant nettement plus restrictives que les secondes).
Donc tout naturellement, et dès la première moitié du XIXème siècle, le pays de Châteaubriant diffère très peu pour ses mises vestimentaires de celui de la ville de Nantes, des pays d’Ancenis, de Guéméné-Penfao, de Clisson, du Pays de Retz ou encore de la Basse-Loire jusqu’à St Nazaire et même jusqu’à Redon.
En ce qui concerne les modes masculines, dès les années 1870, à l’instar de ce qui s’est pratiqué un peu partout dans le reste de la haute-Bretagne, les hommes ont adopté les modes citadines en vigueur, ceci pour les cérémonies ; et aussi pour le travail, on retrouve généralement les éléments portés à la fois par les paysans et les artisans globalement dans l’ouest de l’Europe.
Les femmes, tout autant que les femmes des autres terroirs de haute-Bretagne, ont fait siennes les vêtures à la mode de leur époque ; on le remarque très tôt dès le début du XIX ème siècle sur les gravures de Benoît, et plus tard sur celles de Lalaisse ; cette affirmation ne vaut bien-sûr que pour ce qui est de la base du vêtement, c’est-à dire, les dessous mais aussi robes, quand c’est le cas plus tradivement, jupes et hauts.
Il en est tout différemment pour les éléments dits identitaires que sont les tabliers et châles et particulièrement les coiffes et les modes de coiffure.
On peut considérer que le passage du XIXème au XXème siècle a vu le déclin sinon la fin du port du costume féminin dans ce qu’il a de spécifique. Sur les photographies de mariage datant au plus tard de l’époque de la première guerre mondiale, même si les coiffes sont encore nombreuses à être portées, les femmes au-moins pour les plus jeunes ont opté pour « la taille », c’est-à dire la mise à la mode, châle et tablier ayant été remisés définitivement.
Voyons donc comment se présentaient ces éléments spécifiques du costume féminin à son apogée en pays de Châteaubriant, dans le dernier quart du XIXème siècle et la première décennie du XXème siècle sachant comme on l’a dit plus haut, qu’il diffère peu de celui du reste du Comté nantais.
Ce qui caractérise ce tablier est surtout la très grande et belle bavette qui épouse étroitement le buste de la femme, du fait qu’elle est la plupart du temps baleinée. La base de cette bavette présente souvent une pointe plus ou moins accentuée et qui ne dépasse pas la taille, l’affinant par la même occasion.
La partie supérieure de cette bavette, passepoilée afin qu’aucune couture ne soit visible accuse une forme en U dont les deux extrémités se fixent sur les épaules maintenant le châle, avec une épingle à chacune des pointes, qui doit comme toujours rester le plus discret possible.
La partie basse du tablier peut présenter une forme arrondie dans le bas ou à droite sans raison de lieu ou d’époque (ceci dit, les modes plus anciennes préfèrent le bord droit qui est de toute manière aussi la plus en faveur). L’élégance de la femme se manifeste par des éléments de décoration, le plus souvent de la dentelle au fuseau, du Puys ou de la blonde, qui entoure tout ou partie du tablier ; une bande de perles de jais peut aussi être présente sur le pourtour du tablier.
Les étoffes employées sont le taffetas, le satin, la moire, le broché, à motifs donc, la plupart du temps en soie ou en belle cotonnade.
La couleur élégante par excellence à partir des année 1870 environ, étant le noir, nombre de ces tabliers sont donc sombres ; lorsqu’il y a couleur, celle qui semble le plus répandue est l’ocre, « pain-brûlé ».
Sur beaucoup de documents photographiques, il est à noter que les femmes de Châteaubriant aient un goût prononcé pour les châles brodés en velours pour les dernières grandes modes de cérémonie. Ce sont des châles de taille réduite, se présentant sous la forme d’une pointe en triangle ; le velours de soie envers satin est quasi-exclusivement de couleur bleu-nuit (partout dans le Comté nantais le noir a semble t-il été exclu pour cette pièce de costume) ; les broderies ont comme motifs : les roses, les feuilles de lierre, de vigne, les épis de blé, les grappes de raisin, pour les plus représentés. Ce châle est bordé de dentelle du Puys (jamais de franges), rehaussé encore de perles de jais ou de verre. Une petite dentelle borde le haut du châle. Comme dans la plupart des terroirs de la Haute-Bretagne, ce châle fixé à quatre plis dans le dos et ici nettement échancré, présente ses trois plis sur le devant du buste, bien visibles et bien appliqués et fixés par la bavette du tablier.
Ces châles n’étaient pas toujours brodés, le velours pouvait être uni ou frappé et pas toujours en velours non plus, le satin uni a été employé ; la couleur bleu-nuit n’est pas exclusive, surtout la couleur lie-de-vin a été très prisée par les femmes des bourgs du Pays de la Mée.
On a porté aussi, passage des colporteurs oblige, des châles en soie tissée aux motifs riches et chatoyants provenant des fabriques lyonnaises et pour ceux-ci on peut avoir des franges en soie reprenant les couleurs du châle.
Pour les familles aisées, les jeunes mariées ont porté des châles blanc de tulle brodé.
C’est ici comme partout ailleurs en Bretagne, l’élément identitaire, emblématique de la mise traditionnelle.
Les coiffes de Châteaubriant et plus largement du Pays de la Mée appartiennent à ce très grand et beau groupe des coiffes du Comté nantais en ayant ses déclinaisons propres, remarquables et identifiables comme dans tout lieu de ce vaste terroir.
On y a porté les Câlines dès la première moitié du XIXéme siècle, Y. Lalaisse la représente dans ses croquis « coiffe apprêtée, caline en coton blanc pour le travail ». La câline, coiffe en calicot, plissé au doigt a subsisté comme coiffe de travail pour les travaux des champs.
Il est vraisemblable que comme partout ailleurs dans le Comté nantais, la Dorlotte ait eu la faveur des femmes de bourgs dans le pays de la Mée : « pour sortir on mettait la Dorlotte faite en mousseline mais non amidonnée, mais uniquement plissée à l’eau » (P.Masson).
Pour le travail, les femmes ont très largement utilisé une sorte de bonnet en tissu fin au tissage à motifs géométriques et quelquefois avec un semis de fleurs, légèrement amidonné comportant des barbes que chacune fixait à son gré et peut-être en fonction de son ouvrage, soit libres ou attachées par devant sur la poitrine ou dans le dos, ou encore fixées sur la coiffure ou à l’arrière…
Mais bien-sûr la coiffe par excellence est surtout une version bien localisée de la Dormeuse.
Rappelons que l’aire du port de la Dormeuse est la plus vaste de toutes les coiffes de Bretagne devant la Toukenn et la Polka. Si l’on fait une entorse au principe souligné au départ de cette évocation des modes vestimentaires du pays de Châteaubriant et de la Mée, cette aire va bien au-delà des limites de la Loire-Atlantique puisqu’on la porte dans le Morbihan (Camoël, Férel, la Roche-Bernard, St Dolay…), l’Ille-et-Vilaine (Redon, Langon, StAnne sur Vilaine, Le Grand-Fougeray…) en Anjou, dans le Maine-et-Loire (St Crespin, Landemont…), en bas-Poitou et en Vendée (Montaigu, Boufféré, Saligny, Bouin…).
Comme presque partout en Bretagne la Dormeuse se décline suivant toutes les occasions et étapes de la vie de celle qui la porte, les heureuses ainsi que les malheureuses, les fêtes religieuses, le mariage, les noces, le deuil, le demi-deuil, le veuvage…
Cette coiffe a ceci d’exceptionnel en qualité de coiffe traditionnelle, pour qui est passionné par l’étude ethnologique du costume et de sa mise, c’est qu’elle évolue continuellement dans les axes du temps et de l’espace ; une seule coiffe au départ, et à l’arrivée des centaines de versions (ce n’est pas exagéré) identifiant donc la paroisse, voire le hameau, ou l’attachement à la lingère qui a la confiance de celle qui la porte ; mais aussi son âge, la période à la fois de sa vie, son « statut social » et de l’époque où elle la porte.
La Dormeuse est une coiffe la plupart du temps en tulle, quelquefois en gaze appelée oxford, plus rarement en mousseline ou calicot plein.
Elle est paillée, ce qui la rend très sensible aux conditions climatiques, à la pluie, au brouillard, de plus dans un pays de rivières, d’étangs, d’eau… souvent d’ailleurs on la recouvrait pour les premières messes d’un « jac ».
Pour aiguiser la recherche de ses passionnés actuels, une armée de lingères et pailleuses qui depuis le XIXème siècle jusqu’au plus tard dans les années 1970, tout en respectant des règles intangibles liées à la mode du lieu et du temps, ont façonné des merveilles d’inventivité, de différences mystérieuses et subtiles, le plus souvent indétectables au regard non préparé... mais avec la complicité admise de celle qui lui confiait ce travail superbe mais si complexe et tellement précis de l’amidonnage, du paillage, gaufrage et repassage sur sa propre coiffe.
Alors partons pour une évocation de cette Dormeuse et de ce qu’elle a de spécifique à Châteaubriant et dans son proche pays. Comme presque toutes les dormeuses des modes au nord de la Loire, le Dalais (dentelle gaufrée à la base du pignon ) a disparu.
Il s’agit d’une dormeuse de taille moyenne, se plaçant entre les grandes (Nantes et le Vignoble) et les plus petites (tout le grand est du Comté nantais, du Grand-Fougeray à Guérande).
Ce qui la caractérise surtout est la petite vingtaine de « sillons » verticaux sur les deux côtés de la coiffe allant du paillage à la base latérale de la coiffe. Ces plis, en saillie, différents des plis plats des modes du sud (Ligné) sont bien visibles à Châteaubriant, un peu moins dans les paroisses et communes des alentours, mais ils existent bien, ce qui au final définit un « sous-groupe » qui comprend Ruffigné, Rougé, Fercé, Noyal sur Brutz, Villepot, Soudan, au nord et Louisfert au sud ; à StVincent des Landes, on a retrouvé une coiffe avec des plis, mais ils s’apparentaient plus à ceux des modes plus au sud.
Ces sillons sont réalisés par un petit outil, appelé par Paul Masson « gaufre », utilisé aussi pour d’autres modes aussi.
La dormeuse du groupe de Châteaubriant se porte sur une coiffure de cheveux s’identifiant à un catogan large à la base carrée, pouvant rappeler la coiffure des rennaises voisines. Dans l’est du territoire, certaines femmes ont adopté la coiffure nattée, mais cela reste encore l’exception.
Les coiffes des terroirs d’Ancenis, Ligné, Nort-sur-Erdre… se portent « décollées » sur le sommet, laissant apparaître le ruban de velours, mais c’est à Châteaubriant qu’elles sont le plus décollées et le sont aussi sur les côtés.
Dans le Pays de la Mée, il existe d’autres modes de dormeuses :
- à Issé où l’on trouve les dormeuses les plus grandes après celles de Nantes et du Vignoble, Moisdon, Erbray, St Julien de Vouvantes, la Chapelle-Glain, la base du pignon est rentrée, contrairement à Châteaubriant et apparaissent des petits plis couchés, cette mode s’apparente déjà à celles plus au sud.
- à Sion-les-Mines, Mouais, Derval, Jans, les coiffes sont plus petites ; la base sous le pignon est plat et elles ne présentent ni sillons, ni plis couchés, déjà elles s’apparentent au grande groupe qui s’étend jusqu’à Guérande en passant par Guéméné-Penfao.
Il est à noter que pour toutes ces modes, à l’occasion des grandes fêtes, les mariages, les femmes couvraient leur coiffe, sur la passe et les côtés d’un très large et très beau ruban de soie, généralement de couleur ivoire, « sable », quelquefois à motifs et jours. Ce ruban se termine à l’arrière par un très grand nœud sans pan tombant, mais dont les bords sont bien visibles sur toutes les photographies.
Pour terminer sa mise, l’élégante femme de Châteaubriant comme celle des gros bourgs du Pays de la Mée et disons toutes les bretonnes, à peu d’exceptions près, se pare de bijoux à la mode de son temps, rien de particulier. Ce sont les sautoirs avec coulants ou chaînes de montre, boucles d’oreilles, des dormeuses, broches sur le col du caraco…
Par Michel Guillerme, Nantes, janvier 2012
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